Le Royaume-Uni est connu dans le cercle des grandes fortunes et des conseillers fiscaux internationaux pour son statut – controversé – de « non-dom », ou « non-domicilié ». La décision prise l’an dernier par George Osborne, le chancelier de l’Échiquier, de supprimer le statut de « non-dom » permanent suscite l’inquiétude des family offices et de leurs clients bénéficiant de ce statut. Cet article couvre les derniers développements dans ce domaine.
Rappel sur le statut de « Non-Dom »
Le statut de « non-domiciled », institué en 1799 par le Roi George III, est spécifique à la Grande-Bretagne. Il est basé sur la distinction entre la notion de résidence et celle de domicile. La résidence suit la définition classique d’autres pays, alors que le domicile peut être différent de la résidence et est acquis à la naissance, reflétant en quelque sorte le pays d’origine de la personne et correspondant généralement au domicile du père. Il y a un certain nombre de nuances et il existe toute une série de règles établies par le fisc britannique pour démontrer la domiciliation d‘une personne physique. Nous traiterons des subtilités liées au test de la domiciliation dans un prochain article.
Un résident en Grande-Bretagne domicilié dans un autre pays peut bénéficier du statut de « non-domiciled », ou encore « non-dom ». Dans le langage juridique anglo-saxon, on appelle une telle personne un « UK non-dom ». Historiquement, les UK non-doms ont bénéficié d’avantages fiscaux, dont le principal était de ne pas payer d’impôts sur leurs revenus à l’étranger, tant que ces revenus n’étaient pas rapatriés en Grande-Bretagne. Pour simplifier, un UK non-dom est généralement un résident britannique d’origine étrangère qui a en théorie l’intention de retourner dans son pays.
Cependant, les avantages fiscaux des non-doms ont commencé à s’éroder à partir de 2008, sous le gouvernement de Tony Blair. Les non-doms avaient placé leurs espoirs dans le gouvernement conservateur de David Cameron, mais son chancelier de l’Échiquier a au contraire resserré l’étau.
Les récents changements dans le régime fiscal des UK non-doms sont difficiles à gérer et la recherche de solutions continue à mobiliser les plus grands spécialistes fiscaux. Avec plus de 110 000 personnes revendiquant le statut de UK non-dom, et parmi lesquelles des personnalités des affaires et du spectacle de renommée internationale, les conseillers fiscaux ont cherché à anticiper le projet de loi de finances afin de préparer leurs clients.
Cette problématique était au cœur de la dernière conférence de Shorex sur la restructuration et la relocalisation pour les UK non-doms. L’évènement, qui a rassemblé essentiellement des gérants de fortune et des conseillers fiscaux, a permis de jauger le climat parmi les professionnels et leurs clients. La première oratrice, Alison Hill, de PricewaterhouseCoopers, a planté le décor en présentant les problèmes qui se profilaient à l’horizon et en ouvrant le débat aux autres intervenants afin d’explorer diverses solutions. Le but de cet article est de décrire les points clés de sa présentation et de donner un aperçu des sujets abordés lors de l’évènement afin de comprendre les nouvelles orientations dans ce domaine.
Les UK non-doms seront considérés domiciliés britanniques après 15 ans de résidence au Royaume-Uni
Le changement le plus fondamental est l’extension de la notion de deemed-domicile à l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les plus-values, ainsi que l’accélération dans le temps de ce concept qui s’appliquera maintenant après seulement 15 ans de résidence au Royaume-Uni. Par conséquent, une fois qu’une personne a été résidente au Royaume-Uni pendant 15 ans sur les 20 dernières années fiscales, elle sera considérée comme domiciliée britannique pour tous ses revenus et ne pourra donc plus bénéficier d’un traitement fiscal préférentiel. Pour annuler leur statut de domicilié britannique et «remettre leur compteur à zéro» afin de redevenir non-dom, ces personnes devront passer 6 ans en dehors du Royaume-Uni. De retour au Royaume-Uni après 6 ans, la personne sera à nouveau en mesure de faire valoir son statut de non-dom pour les 15 ans à suivre. Cependant, il est important de noter que si une personne quitte le Royaume-Uni après avoir été déclarée deemed-domiciled, l’impôt sur les successions restera en vigueur pour les 6 années suivantes, et tout au long de ces 6 années, la personne restera UK domiciled en ce qui concerne les droits de succession, ce qui signifie que son patrimoine dans le monde entier entrera potentiellement dans le cadre de l’impôt britannique sur les successions.
Derniers points : les années partielles de résidence comptent comme des années complètes de résidence et les années passées au Royaume-Uni en tant que mineur seront prises en compte.
Protection des trusts offshore
Le gouvernement britannique s’est engagé à veiller à ce que les réformes comprennent des protections spéciales pour les personnes qui ont mis en place des trusts offshore avant qu’elles ne soient devenues domiciliées. L’idée directrice est que l’impôt ne soit prélevé que lors des distributions de revenus aux bénéficiaires, permettant ainsi le cumul sans impôts des fonds non britanniques placés au sein d’un trust.
Personnes nées au Royaume-Uni et ayant un domicile britannique d’origine
Les personnes nées au Royaume-Uni avec un domicile britannique d’origine seront traitées comme domiciliées britanniques chaque fois qu’elles résideront au Royaume-Uni, même si elles ont acquis un domicile de choix dans un autre pays. L’acquisition d’un domicile étranger de choix sera ignorée au moment de la reprise de leur résidence au Royaume-Uni. Il y aura une période de grâce d’un an seulement pour les droits de succession, mais ces personnes seront considérées comme domiciliées britanniques à tout moment où elles résideront au Royaume-Uni. Pour les trusts qui peuvent avoir été établis par ces personnes alors qu’elles étaient à l’extérieur du Royaume-Uni et non domiciliées au Royaume-Uni, ces trusts seront également traités comme si ces personnes avaient été domiciliées au Royaume-Uni au moment où ils ont été établis.
Ainsi, les trusts vont tomber dans le champ d’application des droits de succession et il est probable que la protection mentionnée précédemment par rapport aux trusts offshore ne sera pas applicable dans le cas de trusts mis en place par des personnes ayant un domicile de choix en dehors du Royaume-Uni.
Droits de succession sur l’immobilier résidentiel : la forme sous laquelle il est détenu n’importe plus
L’immobilier résidentiel britannique appartenant à des particuliers UK non-doms ou à des trusts offshore par l’intermédiaire de sociétés offshore sera assujetti aux droits de succession. Pour les particuliers, les droits de succession seront déclenchés soit au moment du décès, soit lors d’un don de l’entité offshore possédant l’immobilier résidentiel (voir transferts potentiellement exonérés – PET). Pour les trusts, les droits de succession seront déclenchés à l’anniversaire des 10 ans du trust ou à la distribution de l’entité offshore possédant l’immobilier résidentiel.
Le « de-enveloping »
Le « de-enveloping », le terme technique qui décrit l’opération consistant à extraire un bien immobilier d’une société afin de le transférer en nom propre, est encore la grande inconnue et fait l’objet de beaucoup de spéculations. Le gouvernement envisage d’introduire un allégement des charges fiscales liées au de-enveloping. Cependant, il reste beaucoup de points d’interrogation et à l’heure actuelle personne n’a la moindre idée quant au contenu de ce projet d’allègement, ni même s’il y aura effectivement une possibilité de de-enveloping dans le prochain projet de loi de finances.
Echéances
Tous les changements prendront effet en avril 2017. Il n’y aura aucune souplesse sur la date annoncée. Les tests de domicile ont déjà été inclus dans la loi de finances 2016. La protection des trusts et les changements sur les droits de succession seront inclus dans le projet de loi de finances 2017.
Nous espérons que les ébauches du projet de loi et les consultations préliminaires sur le sujet seront bientôt disponibles, mais objectivement il ne faut rien espérer voir de concret avant Décembre 2016. Par conséquent, la marge de manœuvre pour planifier et faire des changements pour les UK non-doms sera extrêmement étroite.
Solutions et planification
Le reste de la journée a porté sur la recherche de solutions pratiques pour les UK non-doms. Sans connaître l’étendue de l’offre de de-enveloping qui sera proposée par le gouvernement, la tâche des conseillers professionnels est rendue très difficile, tout particulièrement si le client souhaite rester au Royaume-Uni.
Par conséquent, et en l’absence d’informations complémentaires de la part du gouvernement, seuls les UK non-doms prêts à quitter le Royaume-Uni pour 6 ans afin de récupérer leur statut de non-dom, ou même prêts à changer de résidence définitivement, peuvent commencer à faire des plans concrets. Le changement de résidence est une possibilité réelle pour de nombreux UK non-doms et les différents choix de résidence, avec leurs avantages et leurs inconvénients, étaient au cœur de l’ordre du jour.
La tendance parmi les UK non-doms à chercher un nouveau pays de résidence semble être confirmée par la baisse du nombre de ces derniers depuis 2008. Cette année-là, le gouvernement travailliste leur avait imposé un surplus d’imposition annuel de 30.000 GBP (livres sterling) qui a ensuite été progressivement porté à 90.000 GBP. Le résultat ne se fit pas attendre. Alors que le chiffre des non-doms n’avait fait que croître pour atteindre 123 100 en 2008, il est redescendu en 2015 à 114 000.
La conférence a également abordé le thème de la « citoyenneté économique », avec des programmes de « citoyenneté par l’investissement » tels que ceux de Chypre pour l’obtention d’un passeport de l’Union Européenne, ou de Saint Kitts et Nevis pour l’obtention d’un passeport Caribéen. Ces deux programmes ont été présentés par Inna Iranyi, associée fondatrice de Shorex Capital.
Ces programmes de citoyenneté sont particulièrement pertinents pour les familles et les entrepreneurs fortunés venant de marchés émergents. Ceux-ci cherchent un « bon passeport » offrant une réelle mobilité internationale ainsi que la possibilité dans le futur de changer de résidence. La conférence a examiné plusieurs pays à des fins de résidence ou de citoyenneté, dont la Suisse, Monaco, Malte, Portugal, Panama, le Costa Rica et Dubaï.
Les prochains mois apporteront de nombreuses discussions sur les différentes alternatives à considérer et nous suivrons de très près ces développements afin de vous tenir au courant.